Ce que les communautés créatives ouvertes tendent à oublier à propos des licences libres
Les licences libres existent pour protéger l’utilisateur final, et non les auteurs. Le droit d’auteur sur-protège déjà les auteurs.
Une bonne licence pour une communauté créative ouverte est une licence qui vise à protéger les utilisateurs *des* contributeurs, et non à protéger les contributeurs des utilisateurs.
Car, au bout du compte, celui qui a tous les pouvoirs, c’est l’auteur.
En plaçant une œuvre sous une licence libre, un auteur choisi volontairement d’accorder une protection large et permanente à l’utilisateur, contre les droits de l’auteur lui même.
C’est la raison d’être de la la GPL. C’est la raison d’être de la CC-BY-SA. (Et, oui, la clause de partage sous une licence identique, Share-Alike, protège réellement les utilisateurs, de la repropriétarisation qui limiterait leurs droits sur des œuvres dérivées).
Ce superbe cadeau des auteurs entraine un cercle vertueux : une large utilisation, de nouvelles contributions et des écosystèmes florissants. Ce cadeau bénéficie aux utilisateurs, aux membres de la communauté et à la société dans sont ensemble – y compris, oui, aux profiteurs.
Pensez à la manière dont un utilisateur du noyau Linux, ou de la librairie jQuery, ou de Wikipedia, est protégé des décisions arbitraire de leurs (d’abord unique puis nombreux) auteurs.
La peur des usages (principalement, commerciaux) abusifs
Au moment de décider des règles pour leur communauté créative ouverte, beaucoup de fondateurs de communauté s’inquiètent que les productions des contributeurs puisse être abusivement utilisés.
Une chose que les fondateurs de communauté craignent : que des personnes extérieures utilisent la production commune sans jamais contribuer en retour. Ou utilisent la production commune pour faire de l’argent, sans contribuer en retour de manière adéquate. Cela les amène à se méfier des licences libres, et à chercher des licences qui protégeraient les auteurs de ces abus.
L’usage égoiste du contenu produit par la communauté est une question importante à poser, bien entendu. Est-il moralement acceptable d’utiliser ce contenu produit par la communauté sans donner en retour ? Est-il juste que quelqu’un l’utilise pour faire de l’argent ?
Bien souvent, en se concentrant sur ce qui est juste *pour les auteurs*, nous oublions que les communauté ouvertes qui créent des biens communs (numériques) doivent avant tout protéger les utilisateurs de ces biens communs.
Alors, comment trouver un équilibre entre libérer les utilisateurs de la tyrannie du droit d’auteur où les auteurs sont les dictacteurs absolus sur leur œuvres, et la possible immoralité de personnes extérieures profitant du travail commun sans rien donner en retour à la communauté ?
Ce qui n’appartient à personne, pas même à la communauté
Chaque communauté doit répondre en fonction de son objectif. Pour Wikipedia, son objectif est de créer une encyclopédie globale et universel, et cela ne pose aucun problème si quelqu’un utilise Wikipedia sans jamais contribuer en retour. De même, il est possible et admis de faire de l’argent en utilisant le contenu de Wikipedia, du moment que la source est citée.
Quand vous utilisez du contenu de Wikipedia, vous savez qu’en tant qu’utilisateur vous êtes protégé des auteurs de Wikipedia. Il n’y a pas de petites lettres en bas du contrat. L’encyclopédie Wikipedia est un bien commun car elle n’appartient à personne, pas même à la communauté qui la crée.
Les biens communs ont par définition tendance à subir des abus. Ces abus sont un drame dans le monde matériel, monde de rareté. Ils deviennent au pire un comportement vraiment très mal poli dans le monde numérique, qui est un monde d’abondance.
Si une communauté créative ouverte impose des règles qui protègent les contributeurs de la communauté en premier, et les utilisateurs en second, nous prenons le risque de transformer nos communautés en tribus fermées.
En plaçant les utilisateurs en second, nous perdrions de vue notre objectif majeur : créer des biens communs largement utilisables dans un monde dominé par les DRM, la monétisation, et les contrats arbitraires.
[an english version of this text can be read here: What open creative communities tend to forget about free-libre licenses]