5 obstacles à franchir pour le nouveau site du Centre Pompidou
La vrai ouverture pour les musées, c’est de devenir des communautés poreuses, agissantes et élargies.
Le nouveau site du Centre Pompidou, projet de longue haleine et coûteux, a été critiqué sous des axes variés – open source, web design, licences. Ces critiques peuvent sembler, séparement, catégorielles ou venant de professionnels obsédés par leur propre métier.
Je trouvais intéressant de rassembler ces critiques pour montrer leur cohérence. Chacune de ces 5 critiques est aussi accompagnée d’une recommandation issu de la communauté, avec un lien vers le profil Twitter d’une des personnes, parmi d’autres, qui a relayé cette recommandation.
Une vision cathédrale (ou pire) de l’open source
Le nouveau site du centre Pompidou se base sur des logiciels libres, open source. C’est un des grands axes de communication. Très bien.
Mais étrangement le centre se refuse pour le moment à donner un accès public aux sources, se réfugiant derrières des arguments tel que la documentation - que la communauté pourrait pourtant participer à améliorer. On se rapproche de la vision cathédrale de l’open source, abandonnée comme inefficace depuis au moins 15 ans.
Autre argument, le besoin de choisir la licence - qui devrait être celles des projets d’origines, la GPL v2 – en fonction des usages ou des personnes. Et là, ça devient vraiment inquiétant.
En fait, la position actuelle est de donner accès aux sources sur demande motivée. Une vision proche de ce que fait Microsoft, mais pas celle des vraies communautés open source comme Linux, Drupal ou… eZ Publish !
Recommandation de la communauté : mettre l’ensemble du code sur GitHub pour favoriser partage et amélioration continue, comme le fait la BBC (https://twitter.com/romainneutron), et bien sûr choisir clairement une licence libre standard.
Un crowdsourcing à sens unique
Le centre appelle les utilisateurs du site à l’enrichir, à créer et à améliorer les liens entre les œuvres. Leur récompense ? Se trouver dépossédés de ces ajoûts, que ni les autres utilisateurs, ni eux-même ne pourront librement réutiliser.
Cela va à l’encontre de tout ce que l’on sait des mécaniques communautaires. Le principe directeur d’une communauté de contributeurs est l’assurance que la somme des contributions ne sera pas appropriée par un seul acteur, mais qu’elle bénéficiera à tous.
Dans l’état actuel, il est bien plus bénéfique, tant au niveau individuel qu’au niveau collectif, d’enrichir des notices d’œuvres sur Wikipedia que sur le site du Centre Pompidou.
Recommandation de la communauté : Ouvrir les métadonnées du site sous une licence compatible avec les principes de l’Open Data (CC0, Licence ouverte Etalab, ODbL) pour créer une véritable réciprocité et aligner les intérêts personnels avec l’intérêt collectif (https://twitter.com/Calimaq).
Un site “pour ordinateur de bureau” à contre-courant de la montée des usages mobiles
Les accès au web sont en voie de se faire majoritairement via des appareils mobiles, en particulier dans les pays émergeants.
Sur place, visiter un musée smartphone en main n’est plus une abération, pour par exemple vérifier une information sur Wikipedia.
Mais le site du centre Pompidou est inadapté au mobile. La promesse d’application native à télécharger sur les stores propriétaires ne résoud rien : tous les pays et tous les appareils n’y ont pas accès.
Recommandation de la communauté : Refaire les CSS en mode responsive, mobile first, pour prendre en compte la diversité des modes d’accès au web (https://twitter.com/_omr/).
Pas d’accès “pour les machines” aux pages et résultats, limitant fortement les usages
La navigation dans les données est uniquement possible via des pages HTML. Pas d’API RESTful, pas de RDFa, pas même de flux RSS sur les résultats de recherche.
Cela limite fortement les usages de cette masse de données. De nombreux usages strictement privés comme des recherches et des croisements, sont impossibles aujourd’hui, alors qu’ils sont légaux même avec une licence totalement fermée.
Seul moyen pour un chercheur, un journaliste ou un étudiant de manipuler les données : s’adonner aux joies masochistes du screen-scrapping
Recommandation de la communauté : Ouvrir un accès pour les robots au site, pour permettre des analyses et traitements, des mashups (https://twitter.com/spouyllau) et autres usages que le centre n’a pas imaginé.
Une ouverture-fermeture floue qui provoque un retour de baton
De manière général, l’annonce tonitruante d’une ouverture des données, d’un système de co-création avec les utilisateurs et enfin d’un site open source tourné vers les réseaux sociaux s’est vite heurté à la réalité, bien plus floue.
Pas d’embed des vidéos, pas d’images lors du partage Facebook, pas d’accès aux données, ni aux sources, des sommes pharamineuses annoncées sans vrai explication…
Aucune ressource sous licence Creative Commons – pas même un malheureux dossier pédagogique. Un site soi-disant nouveau, mais qui date en fait d’il y presque deux ans.
Heureusement, un dialogue direct et transparent peut s’engager, comme dans le long fil de commentaires de ce post sur le blog de Geoffrey Dorne (https://twitter.com/geoffreydorne) où se sont mélés web designers dépités et personnes ayant eu partie prenante au projet.
Recommandation de la communauté : Une ouverture concrête, pas des conférences de presse où l’on promet bien plus que ce que l’on peut livrer.
Cela passe de manière obligatoire par l’acceptation à se laisser envahir, se laisser remixer et de se laisser utiliser de mille manières que l’on avait pas prévues. Le site du Centre Pompidou est très loin d’être assez ouvert pour cela.
L’unique voie de la vraie ouverture pour les musées, c’est de devenir des plateformes, de devenir des communautés poreuses, agissantes et élargies. Les musées ont tout à y gagner.